Dans les années 50 et 60 Cadillac produit ses célèbres Deville, Eldorado et Fleetwood au design très inspiré de l’aéronautique.
Au menu, gros moteur V8, ailerons XXL, feux AR façon obus…Faisaient la réputation de Cadillac, séduisant les matuvu, star américaines recherchent le côté ostentatoire.
Oui mais voilà, ce côté bling-bling à fait son temps et si le riche Texan est séduit par ce que propose Cadillac, ce n’est pas le cas d’une frange de la bourgeoisie américaine, vivant dans les beaux quartiers.
Au début des années 80 Cadillac n’est plus que l’ombre d’elle même, les ventes chutent depuis les années 70, le côté baroque ne plait plus, les clients vieillissent et la marque ne séduit pas les jeunes acheteurs et la marque se traine une image de voiture ringarde.
Depuis une dizaine d’années, la concurrence vient d’Europe et non plus de Ford avec Lincoln. La marque américaine doit faire face à Mercedes, BMW et Jaguar.
Bref, Cadillac se fait attaquer de tous les côtés et si une “mini-Cadillac” est dans les cartons avec la Cimarron, les ventes ont chuté.
Sur le segment des roadster, Mercedes commercialise depuis 1971, la SL R107.
Gros succès commercial pour cette Merco’, les USA absorbent près de 60% de la production totale du modèle. On verra la SL dans de nombreux films, téléfilms et séries comme Dallas ou Columbo.
Jaguar, commercialise de son côté la XJ-S, une découvrable 2 places, à moteur V12 sur base de la berline XJ.
La nouvelle direction de Cadillac arrivée aux commandes du constructeur en 1981, décide de réagir. Non seulement pour ne pas se laisser marcher sur ses plates bandes, mais aussi afin d’avoir un véhicule image, pour montrer ce dont était capable Cadillac dans les années 80.
En réponse du berger à la bergère, Cadillac, décide que son roadster sera très européen ou ne le sera pas !
Pour le design on fait appel au célèbre carrossier Pinifarina.
A cette époque Pinifarina à déjà collaboré avec de grands constructeurs de renom, comme Ferrari, Peugeot, Alfa Romeo ou encore Lancia.
1987 : La France voit naitre une nouvelle chaine de télévision qui monte : M6, Dalida mets fin à ses jours, les radios diffusent Madona, Europe ou encore Voyage, Voyage, fin de la crise des Euromissiles, le Futuroscope ouvre ses portes au public et Cadillac dévoile son nouveau modèle : l’Allanté
Pourquoi Allanté ? Tout simplement un nom craché par un ordinateur de GM, parmi 1 700 propositions, afin de souligner le côté latin de sa conception. Le nom ne veut rien dire en italien.
Pour enfoncer le clou, Cadillac décide de confier à Pinifarina une partie de la production du modèle.
A Cadillac les modèles US et à Pinifarina les modèles EU ? N’y pensez pas, ça sera bien plus complexe que ça !
Accrochez-vous !
L’usine GM d’Hamtramck de Détroit, produisait ainsi les structures/soubassements de la voiture, puis était chargée sur des camions, en direction de l’aéroport de Détroit à une trentaine de kilomètres de l’usine.
Là elles étaient empilées par deux sur une structure spécialement conçue pour l’occasion, puis chargés dans des Boeing 747 cargo d’Alitalia et de Lufthansa, direction Turin et son aéroport.
Après huit heures de vols, elles étaient déchargées sur d’autres camions, puis expédiées chez Pinifarina à une trentaine de kilomètres de l’aéroport. Pinifarina se chargeait d’assembler la carrosserie, les équipements comme la climatisation, les faisceaux électriques, les sièges… Puis elles étaient de nouveau chargées sur des camions en direction de Turin-Caselle, elles étaient de nouveau chargées dans les Jumbo-Jet, direction Détroit, puis chargé de nouveau sur camions, direction l’usine Cadillac, qui s’occupait de l’assemblage finale, dont le fameux mariage châssis-carrosserie, avant de retrouver le chemin des concessions !
Vous pouvez prendre un Doliprane !
GM a donc mis en place la plus longue chaîne de production de la planète pour son modèle, fabriqué sur deux continents.
56 Allanté était chargé par 747, plus les divers éléments servant à Pinifarina (climatisation, faisceau électrique…)
3 rotations/semaines étaient prévues, avec 4 avions, dont trois pour Alitalia
GM, Lufthansa et Alitalia ont signé un contrat à 100 millions de $ pour ce pont aérien, prévoyant 7 000 voitures par an.
Bien entendu avec une telle chaîne de production, le coût de la voiture était conséquent.
A l’arrivée ? Une voiture affichée à 55 000$ et même 57 000$ deux ans plus tard soit environ 130 000€ actuels.
Pour faire passer la pilule Cadillac, ne lésine pas sur l’équipement :
- Climatisation à gestion électronique
- Siège en cuir à réglages électrique à 10 positions
- ABS Bosch
- Jantes en alu’
- Tableau de bord à affichage digital
- Une chaîne Hi-Fi signée Bose et Delco
- Peinture métallisée
- Boîte automatique à 4 rpports
- Capote et hardtop en alu fournis de série.
Le roadster de 4m53 est mû par un V8 4.1 de … 170 ch entraînant les roues avant, pour faire très européen (même si les Merco’ et Jag’ étaient des propulsions).
Malgré son prix (le double des autres Cadillac), elle n’était pas exempte de défauts :
- La finition, typique de GM (ça fera l’affaire !), avec une capote loin d’être très étanche sur les deux premières années de commercialisation
- La puissance pas au niveau, vu le poids et la boîte auto castratrice
- Le comportement pas vraiment sportif, avec pas mal de sous-virage dus au poids du moteur et les goûts des Américains peu enclin à la traction
- La fiabilité aléatoire du tableau de bord, de la chaîne Hi-Fi et de l’ABS Bosch nécessite un entretien méticuleux du système.
- Une capote manuelle, à ce prix, c’est mesquin, on dirait une Peugeot !
1987 : 3 363 exemplaires sortiront des chaînes.
1988: les clients peuvent choisir désormais un tableau de bord “classique” sans supplément et quelques autres améliorations intérieures mineures seront apportées.
L’année se termine avec 2 569 Allanté expédiées depuis Turin.
1989 : Cadillac se décide à réagir en proposant le V8 réalésé à 4.5 crachant 200 chevaux. L’amortissement devient piloté, la direction est à assistance variable, mais c’est trop peu pour concurrencer la SL R129 sortie cette année-là et qui mise sur sa technologie.
3 296 clients repartent au volant de la Cad’.
1990 : le hardtop n’est plus livré de série, histoire de faire un peu baisser son prix, l’antipatinage fait son apparition, résultat 3 768 exemplaire.
1991: pas de changement et les ventes plongent à 2 510 exemplaires.
1992 : les ventes sont catastrophiques avec 1 931 exemplaires.
1993: Cadillac installe le V8 4.6 Northstar, sortant 295 chevaux, l’Allanté est enfin correctement motorisé, capable d’atteindre les 225 km/h. Les ventes font un bond à 4 670 exemplaires.
L’Allanté ne sera pas commercialisé une année de plus. Le couperet tombe en juillet 1993 après 21 430 voitures vendues, bien loin des 7 000 exemplaires par an espérés.
On pourrait croire Cadillac vacciné contre cette recette, et pourtant en 1999 Cadillac, présente l’Evoq concept, servant surtout de démonstrateur de design pour ses modèles des années 2000, on retrouve les formes géométriques, les arêtes vives, lignes tendues et les optiques verticales.
Le concept est motorisé par une nouvelle version du Northstar, accouplé aux roues arrière motrices développant 411 chevaux.
Devant l’accueil du public Cadillac, décide de produire le modèle en série en 2003. Ce sera XLR. Finie la chaîne de production la plus longue de la planète, elle sera produite sur le continent américain, reprenant le châssis de sa cousine, la Corvette C6.
Encore une fois Cadillac fait le plein d’équipements, avec GPS à écran tactile de 7”, les sièges chauffants et ventilés, le lecteur de DVD, l’affichage tête haute, le régulateur de vitesse adaptatif…
Là encore, malgré son prix élevé, elle ne pourra lutter contre la SL et la Lexus SC430 toutes deux mieux finies.
Sous le capot, on retrouve notre ami le V8 Northstar développant 326 chevaux.
Une version dite « V » sera commercialisée, avec le V8 porté à 450 ch. Elle se reconnaîtra notamment à sa calandre spécifique.
En 2009, c’est la fin de carrière de la XLR, commercialisé pendant 6 ans, elle ne connaîtra pas de suite avec 15 460 exemplaires vendus. Oui l’XLR aura fait moins de ventes que l’Allanté !
De toute façon, en cette fin de décennie, Cadillac n’a pas la tête à lancer un nouveau roadster, la maison mère est surtout inquiète de sa survie et devra se placer sous le chapitre 11 de la loi des faillites quelques mois plus tard.
On peut fortement penser que Alitalia et Lufthansa ne se soient pas spécialement réjouis de l’échec de la voiture, perdant pas mal d’argent au passage, puisqu’il fallait reconfigurer les avions pour un usage cargo plus classique.
Évidemment, personne n’a prononcé une seule fois le mot empreinte écologique lors de la conception, de toute façon à cette époque tout le monde s’en foutait !
One thought on “Cadillac Allanté : mais quelle idée !”