Le moteur rotatif ? Wankel ? Kézako ?
Revenons aux bases !
La majorité des moteurs thermiques sont dits à piston.
Un piston coulisse le long d’un cylindre, entrainant un vilebrequin qui à son tour va entrainer une boite de vitesse et donc aux final les roues.
Aujourd’hui la plupart des moteurs sont dits à 4 temps (dans l’automobile), mais aussi de plus en plus pour les deux roues et les moteurs de type jardin (tondeuses, taille-haie, souffleur…)
Pour simplifier:
1er temps : le mélange air-carburant est aspiré par le moteur, remplissant la chambre de combustion, le piston descend jusqu’à une limite qu’on appel le point mort bas (PMB)
2d temps le piston remonte comprimant ainsi le mélange air-carburant. jusqu’au point mort haut (PMH)
3e temps : explosion-détente: le mélange s’enflamme à l’aide d’une bougie ou par auto-allumage (Diesel) et le piston redescend, transmettant donc l’énergie thermique (de la combustion) en énergie mécanique via le piston et vilebrequin. C’est ce temps qui est dit temps moteur, car c’est uniquement cette phase qui sert à faire avancer réellement la voiture (ou la lame de la tondeuse)
4e temps l’échappement, le piston remonte, chassant au passage les gaz d’échappement jusqu’à atteindre de nouveau le point mort haut et donc recommencer au 1er temps, ainsi de suite.
Nous avons vu que le piston se déplace le long d’un cylindre, jusqu’à atteindre deux limites : le point mort haut (PMH) et le point mort bas (PMB). Cette distance entre ces deux points est appelée, la course. Associé à l’alésage (le diamètre du piston) il donne la cylindré unitaire. À multiplier par le nombre de cylindres (en générale, 3,4 ou 6 cylindres) ce qui donne donc la cylindrée d’un moteur. C’est d’ici que viennent les fameux litres qu’on voit dans les pubs, les fiches techniques… (1.2,1.5, 2.0, 3.0,3.5,4.2…)
Historiquement cette cylindrée est liée à la puissance et au couple délivré par le moteur. Ainsi plus la cylindrée était importante plus la puissance et le couple étaient important. Était, car depuis une trentaine d’années, les progrès techniques et technologiques (injection directe, turbo, swirl, tumble…) permettent de diminuer cette cylindrée sans perdre en puissance, afin de gagner en consommation, c’est ce qu’on appel le downsizing.
Quelques exemples:
Une Peugeot 505 SRD de 1979 offrait de 70ch pour… 2304cm3 soit 2.3. Une 508 contemporaine dispose de 130ch pour 1.5.
Une Renault 20 TX disposait de 115ch pour 2.2, quand une Talisman offre 160ch pour 1.3 de nos jours.
Une Audi 80 sortait 55 à 60 ch d’un 1.3, une A4 moderne sort 150ch d’un 1.4.
Cette parenthèse sur la cylindrée nous sera utile pour plus tard 😉
Le moteur rotatif donc ! (ou Wankel)
Pourquoi Wankel ? Du nom de celui qui l’a développé et industrialisé Félix Lechat Wankel, ingénieur allemand.
Dans un moteur Wakel, une pièce en mouvement de forme triangulaire (appelé rotor) fait office de piston et comme il tourne dans un « ovale » (le stator), il gère ainsi les 4 temps qu’on a vu plus haut.
Félix Wankel voit en ce moteur de nombreux avantages (il n’a pas tord) :
-Quasiment aucune vibration contrairement à un moteur à cylindre « classique »
-Une compacité supérieur (donc potentiellement plus de place pour l’habitacle)
-Plus silencieux
-Moins de pièces mécanique (pas d’arbre à cames, de soupapes) donc plus simple et plus fiable (enfin en théorie)
Au début des années 50, Wankel qui a mis au point ce moteur veut le commercialiser et est en pourparler avec NSU (Neckarsulmer Strickmaschinen Union) soit Syndicat des machines à tisser Neckarsulmer (oui, car à l’origine NSU fabrique des métiers à tisser)
NSU à cette époque fabrique des motos et dans les années 50 commercialise des motos avec le Wankel, non pas comme moteur, mais comme compresseur pour augmenter la puissance.
À la fin des années 50, NSU annonce commercialiser prochainement une voiture dotée d’un moteur rotatif. Des prototypes sont construits et les phases de tests commencent.
En 1963, NSU commercialise le Spider. Un spider ma foi fort sympathique, donc mu par un moteur Wankel, « tout à l’arrière ».
498cm3 (soit 0.5L) pour 50ch lui permettant de filer à 150km/h chrono ! Plutôt chère et relativement peu fiable, NSU en vendra moins de 2 500 jusqu’en 1967. Il faut dire que même si le moteur rotatif possède des avantages, deux inconvénients majeurs accompagneront ce moteur, la fiabilité (aussi fiable qu’un comptable grec) et sa consommation. Ce petit spider consommait comme une grosse berline six cylindres.
Pourtant NSU ne s’avoue pas vaincu, en 1964 NSU s’associe à Citroën pour fonder la Comobil, rebaptisé Comotor trois ans plus tard. Cette union doit permettre de fiabiliser, industrialiser à grande échelle et partager les coûts de ce moteur qui semble promis à un grand avenir.
Les brevets de Wankel sont vendus à différents constructeurs afin de faire rentrer de l’argent frais. GM, Mercedes et Curtiss-Wright par exemple achètent la licence, mais les ingénieurs butent sur les problèmes du rotatif.
Seul Mazda achète, développe et fiabilise ce moteur.
Côté fiabilité, le plus gros problème vient des segments d’arête qui assurent l’étanchéité entre les différentes chambres. Ces segments s’usent vite. De plus il est difficile de refroidir ce type de moteur, même en faisant circuler du liquide de refroidissement (quasiment impossible sur un moteur rotatif). Ce qui engendre des chocs thermiques réduisant encore plus l’étanchéité du moteur.
Ce problème de segmentation entraine une surconsommation d’huile. De plus ce type de moteur consomme 20% de plus qu’un moteur classique.
Bref devant ces problèmes Mercedes jette l’éponge et continue de travailler sur des moteurs « classiques ».
Pendent ce temps Mazda n’abandonne pas et commence à travailler sur des bi, tri et quadrirotor.
En 1967, Mazda présente la Cosmo Sport 110, un birotor de 110ch pour moins d’un litre de cylindrée.
Bref pour Comotor c’est le signe qu’il faut persévérer.
Au salon de Francfort de 1967, NSU présente la RO 80. Une berline en avance sur son temps. RO pour ROtatif et 80 pour marqué le fait qu’elle avait une quinzaine d’années d’avance sur la concurrence.
Moteur à la pointe de la technique, silencieux, peu de vibrations, freins à disque aux 4 roues, grandes surfaces vitrées, boite semi-automatique, optiques profilées, grand empattement garantissant une bonne habitabilité, direction assistée… NSU sort le grand jeu !
Côté moteur NSU équipe la RO 80 d’un birotor d’un litre et 115ch. Soit 45 ans avant Ford et son moteur Ecoboost ! Moteur refroidi par eau, doté de deux bougies et de deux carburateurs. Ce moteur lui permet de filer à 175km/h, ce qui était très bien pour l’époque !
Comme nous l’avons vu plus haut, le moteur rotatif est plus compact qu’un moteur à cylindres en ligne, ce qui lui permet d’avoir un avant très fin et donc plus aérodynamique. CX de 0,35 (plus le CX est faible, plus la voiture est aérodynamique). La Citroën CX sortie pourtant 7 ans plus tard aura un CX de 0,37.
Si la RO 80 était à la pointe de la technique et du raffinement, le prix était en conséquence. Elle était plus chère qu’une DS et dans les mêmes eaux tarifaires que les BMW, Jaguar et Mercedes, le tout vendu par un petit constructeur, qui n’avait pas la même réputation que ces grands noms, ni le même réseau.
Ajoutons à cela une conso d’environ 15L/100km sur route et 20 en ville, une fiabilité problématique: le moteur commença à donner des signes d’usures vers 35 000km et lâchais vers les 40 000km.
NSU ne remet pas en cause sa part de responsabilité et prend à sa charge le remplacement du moteur, quels que soient l’âge et le kilométrage de la voiture, dégradant les comptes de la société. La réputation de voiture à problèmes fait plonger les ventes.
En 1973, les ventes qui sont déjà en berne seront plombées par le premier choc pétrolier. Vendre une voiture qui boit pour trois ? Vous n’y pensez pas !
Bref les comptes de NSU sont dans le rouge, et est racheté par Audi. Un projet de NSU RO 70 était étudié, la maison mère, Volkswagen, va remplacer le moteur par un moteur à piston « classique » et servira de berline de transition chez Volkswagen en attendant la Passat de 1974.
Si vous avez une RO 80 qui traine au fond du jardin, c’est une candidate toute désignée pour un rétrofit, on enlève le moteur à la fiabilité catastrophique, pour lui greffer un moteur électrique avec une batterie !
NSU et Citroën ? En 1970 Citroën adapte une Ami (de l’époque et pas le truc carré électrique de nos jours hein) en coupé baptisé M35 doté d’un Wankel. Moins de 300 exemplaires seront produits et destinés à être testés par des clients triés sur le volet afin d’éprouver en condition réelle ce moteur.
Ce prototype annonçait l’arrivée de la GS Bi-rotor. Développant 107ch, dotés d’une boite automatique, la birotor était présenté en septembre 1973 et commercialisé en février 1974. Le premier choc pétrolier mettait un terme aux voitures gourmandes et le Wankel consommait. Les tests des journalistes de l’époque mettaient en évidence une conso supérieur à une DS et à une 504 pourtant tous deux plus grandes. Le tout vendu plus chère qu’une DS, alors que la GS se situe sous la DS dans la gamme.
À peine 850 exemplaire sortaient des chaines de Rennes.
Citroën décidait d’arrêter les frais, ne voulant pas s’encombrer du suivi et de l’entretien d’une petite série de voitures complexe, le réseau étant peu formé à cette technologie… Citroën, racheta à ses frais les modèles en circulations ainsi que les M35 pour les stocker sur un terrain vague pendent une dizaine d’années, avant que Citroën les mette à la casse afin de faire de la place pour stocker un autre succès commercial la BX 4TC !
Quelques exemplaires seraient passés à travers ce destin tragique et sont très recherchés par les Citroënistes.
L’aventure franco-allemande dura dix ans avant que NSU et Citroën jettent l’éponge, les finances des deux constructeurs ont été mises à mal.
Chez Citroën, la DS est vieillissante, la SM se vend mal, est complexe (le réseau ne veut pas s’en occuper) et peu fiable, la GS est arrivé tardivement, les Maserati mad in Citroën ont coûté très chère à concevoir, la CX n’est pas encore sortie pour espérer une rentrée d’argent, les ventes baissent, Citroën s’est éparpillé avec la conception d’un hélicoptère à moteur rotatif, de poids lourds… Le tout associé au choc pétrolier et Citroën est dans la tourmente ! Michelin actionnaire historique de Citroën depuis la disparition du patron (André Citroën), ne veut plus mettre la main à la poche et cherche à se séparer Citroën, entament des discussions avec Fiat… Qui n’aboutira pas. Mais ça, c’est une autre histoire. 😉
Seul Mazda continue de travailler sur le moteur rotatif et commercialise en 1978 la RX-7 dessinée par Matasaburo Maeda (j’y reviendrais plus tard) mu par un moteur rotatif. Portée par le succès en compétition et le marché américain favorable aux constructeurs nippons dans les années 80, la RX-7 se vendait bien.
Près de 500 000 exemplaires de RX-7 et ses trois évolutions furent vendus par Mazda, ce qui reste à ce jour le plus gros succès du moteur de Felix Wankel.
Un quart de siècle plus tard, Mazda remis le couvert avec la RX-8, un coupé 4 portes original, à moteur rotatif, dessiné par le fils du designer de la RX-7, avec de nombreuses références esthétiques au moteur rotatif et son rotor triangulaire.
La voiture fera une apparition dans X-Men II.
Là encore sa relative fiabilité (le moteur donne des signes de fatigue vers 100 000km), sa conso d’huile importante, et la nécessité d’avoir un entretien rigoureux, limiterons sa carrière. À la fin des années 2000 Mazda arrête la commercialisation de la RX-8 du entre autres aux normes de pollution.
Depuis ?
En 2003 Mazda présente la RX-8 RE HYDROGEN, le Wankel est alimenté en hydrogène et en essence, quelques prototypes seront construits pour des tests. À la fin des années 2 000, quelques modèles viennent jusqu’en Norvège, pour la HyNor, une route reliant Olso à Stavanger afin de développer cette technologie. Cette RX-8 était bicarburation fonctionnant aussi bien à l’essence qu’à l’hydrogène. Mais lorsqu’elle fonctionnait avec du H², elle perdait une centaine de chevaux dans la bataille.
En 2010 retour aux sources pour Audi, qui présente le prototype A1 e-tron. La citadine se voit dotée d’une batterie de 12kWh (de nos jours les voitures électriques de cette catégorie offre deux fois plus de capacité et donc d’autonomie) secondés par un moteur Wankel de 20ch implanté dans le coffre à la place de la roue de secours, permettant d’augmenter l’autonomie de 200km. (250km d’après Audi, dont 50 en 100% électrique). Le Wankel servait de sorte de groupe électrogène. Une fois mis à un régime constant, il réglait l’un de ses problèmes à savoir sa consommation et donc ses émissions de Co².
Deux ans plus tard, Audi abandonne le rotatif, au profit d’un trois cylindres. Moins chère (étroitement dérivé du 2.0 TFSI) , plus puissant (+110ch gagnés dans la bataille) il se débarrassait des éventuels problèmes de fiabilité. Au passage la batterie gagnait en capacité ( +5kWh), la puissance totale grimpait à 177ch.
Depuis plus grand chose, Mazda présentant quelques concept-car dotés d’un Wankel, mais sans commercialisation pour le moment. Toutes fois le constructeur japonais vient de confirmer que le moteur rotatif ferait son retour sur le MX-30 afin que son SUV électrique gagne en autonomie.
Le moteur fera son retour le 13 janvier prochain au salon de Bruxelles. Reste que 2 ans après la commercialisation de son MX-30, est-ce que ce n’est pas un peu trop tard ? Sachant que le segment des SUV électrique est déjà très encombré (Kia EV6, Hyundai Ioniq 5, Nissan Ariya, BMW IX3 et IX1, Volkswagen ID4, Skoda Enyaq, Toyota Bz4x…) Autre défi pour Mazda, la consommation. En effet en se dotant d’un moteur thermique, le MX-30 devient donc un PHEV (hybride rechargeable), un segment en perte de vitesse ces derniers mois, mais il ne faut pas que Mazda répète l’erreur de certains constructeurs de SUV PHEV, à savoir un moteur thermique non adapté à une utilisation PHEV, engendrant une surconsommation une fois que le bloc thermique se met en route (MG ZS EHS, Jeep Renegade 4Xe…) dépassant les 10l/100km sur autoroute et du fait de la faible capacité du réservoir permet rarement de dépasser 500km d’autonomie. Les essais routiers devraient répondre à cette question.
Le retour du rotatif et son succès vont dépendre entre autres de ce MX-30, 60 ans après ses débuts.
One thought on “Le moteur rotatif ? Ça tourne pas rond !”