EuroNCAP : rien ne va plus !

Dans les années 70, plusieurs gouvernements européens travaillent ensemble au sein de l’European Experimental Vehicles Committee (EEVC). Afin d’apporter une réponse au département américain des transports, en vu d’établir un programme international de sécurité expérimentale des véhicules. Ce qui aboutira dans les années 90 à des procédures de crash-test frontal, latéral, mais également avec des piétons.

À la suite du rapprochement de la FIA (fédération internationale de l’automobile), de la Swedish National Road Administration (SNRA) et de l’International Testing, l’EuroNCAP est créé en décembre 1996, afin d’établir des tests scientifiques sur les accidents de voiture. Et ce malgré l’opposition des constructeurs automobile.

En février 1997, une première série de crashs tests portant sur des citadines est effectuée.

Ford Fiesta, Renault Clio… et Rover 100 passe les tests et pour cette dernière c’est la douche froide !

Zéro pointé pour la citadine anglaise !
Pare-brise se faisant la malle, tableau de bord écrasant ses occupants… La Rover 100 ne peut difficilement cacher ses 17 printemps.

Il faut dire que certes la Rover 100 a été lancée en 1990, tout comme la première Clio, mais cette dernière qui est à la fin de sa carrière (la Clio 2 arrivera en 1998) obtient deux étoiles.  Pourquoi cette différence ? Car la conception est bien plus ancienne pour la Rover. En effet la Rover 100 n’est qu’une version restylée de l’Austin Métro lancé en 1980.

L’Austin Metro

Cette technique de faire du neuf avec du vieux n’est pas nouvelle pour l’industrie automobile britannique. C’est ce qui a conduit cette industrie à sombrer (plus les mouvements sociaux, une piètre qualité des véhicules, un manque cruel d’argent, aucune vraie vision, des délais de conception longs et qui finissent souvent à la poubelle, un manque de partage des coûts avec les différentes marques de BMC (British Motor Corporation) puis BL (British Leyland)…)

BMC

Bref, même si la Rover a reçut deux ans plutôt un airbag conducteur, ça ne lui permet pas de briller dans ce test.

Ce résultat a trouvé un écho dans la presse et les médias.

Dépassé par la concurrence sur de nombreux points (pas d’ABS de disponible même en option, tenue de route en retrait…), en fin de vie, ce crash-test sera le clou du cercueil de la carrière de la Rover 100.

En juillet 1997, nouvelle série de crashs-tests, cette fois-ci sur des berlines. Et cette fois c’est Volvo qui va se distinguer, dans le bon sens, avec la S40 qui sera la première voiture à obtenir 4 étoiles.

Récompense pour Volvo, constructeur réputé pour la sécurité de ses modèles.

Prise de conscience chez les constructeurs de l’effet médiatique de ces tests. Il s’agit là d’un nouvel argument commercial à mettre en avant pour les meilleurs constructeurs.

En juin 2001, un nouveau cap est franchi, Renault est le premier constructeur à obtenir les cinq étoiles, avec la Laguna 2.

La Laguna 2 premier véhicule 5 étoiles

Depuis tous les constructeurs ont suivi, améliorant sans cesse la sécurité sur leurs nouveaux modèles.

À la fin des années 2000, l’EuroNCAP s’aperçoit que les 5 étoiles sont quasiment systématiquement obtenues.

Il  est vrai que l’EuroNCAP a peu fait évoluer ses tests, hormis l’alerte de bouclage de ceinture de sécurité en 2001 et la prise en compte dans la note de la protection des enfants en 2003.

Au début des années 2010, l’EuroNCAP se concentre davantage sur les efforts déployés par les constructeurs pour améliorer la sécurité des véhicules. Ce sont les premiers ADAS (Advanced Driver Assistance Systems) commercialisés.

C’est à partir de là, que l’EuroNCAP commence à se fourvoyer. En effet au lieu de développer de nouveaux crash-test (tonneaux, choc arrière…), l’organisme préfère se focaliser sur les ADAS, nécessaire désormais pour obtenir les cinq étoiles.

En 2015 un nouveau test de choc est introduit, en plus d’un choc frontal contre une barrière déformable (simulant un autre véhicule), un choc contre une barrière indéformable fait son entrée.

Nouveau choc en 2015

En avril 2016, nouveau changement, avec l’arrivée d’une double notation, en effet preuve que l’EuroNCAP accorde plus d’importance aux ADAS, un véhicule peut être mieux noté s’il dispose en option d’ADAS. Ces aides sont parfois en options chez certains constructeurs et pas forcément livrées de série. C’est ainsi que de nombreux modèles de l’ex-PSA passe de 4 à 5 étoiles s’ils sont équipés du « pack de sécurité ».

4 ou 5 étoiles tout dépends du prix que vous êtes prêt à mettre

Ainsi en se concentrant davantage sur les aides à la conduite et en modifiant en conséquence les étoiles attribuées, cela crée une moindre visibilité et ces étoiles ne concernent ainsi plus uniquement la sécurité passive. Mais cette différence est très souvent ignorée par le grand public.

D’autant plus que l’EuroNCAP reteste parfois des modèles qui avait déjà été testé, mais du fait de l’évolution de la notation de l’EuroNCAP, un même véhicule peut voir sa notation dégradée. 

Ce fut le cas en 2017, avec la Punto, après avoir été noté 5 étoiles en 2005. Non Fiat n’a pas modifié la sécurité de sa voiture, mais douze ans au paravent, Fiat n’avais pas intégré le test contre une barrière rigide dans la conception de sa Punto. La citadine de Fiat, ne dispose pas non plus d’AEB (autonomous emergency braking) un système anticollision de piéton/cyclistes/véhicule qui est certes répandu de nos jours, mais encore une fois la conception plus ancienne de la Punto, n’avait pas prévu ce type de technologie. De même l’absence de siège I-Size (norme plus récente que l’Isofix) dessert la petite Fiat, l’absence d’alerte de ceinture non bouclée aux places avant et arrière (hormis le conducteur) à là aussi coûté des points à la Punto.

Test de 2005

Voilà l’un défaut de l’EuroNCAP, tester un véhicule de conception ancienne, avec des normes qui ne sont plus les mêmes. C’est un peu comme si un magazine de téléphones testait de nos jours un iPhone 3G ou un Galaxy S3 et se verrait attribuer une mauvaise note, car non compatible avec la 5G.

Test de 2017

L’exemple de la Fiat n’est pas le seul, la Renault ZOE en a aussi fait les frais. En 2013, la citadine électrique s’est vu attribuer les cinq étoiles, ne possède plus d’étoiles, selon le crash-test de 2021. Encore une fois la conception plus ancienne lui a coûté ses étoiles (pas d’AEB piéton/cycliste, pas d’airbag central entre les occupants avant, l’absence d’e-Call (pas obligatoire lors son homologation…)

La Sandero III reçoit elle deux étoiles, pourtant lors de sa conception elle a été prévue pour reprendre la plateforme CMF-B de la Clio V et en particulier de son architecture électronique afin de recevoir les ADAS tant chéris par l’organisme, qui n’aurait pas pu être intégré par l’ancienne plateforme issue de la Clio 2. Sans cette modification électronique profonde, la Sandero n’aurait sûrement obtenue zéro étoile.

D’ailleurs de l’aveu des dirigeants de Renault, la Sandero III offre une protection équivalente à la Clio 4 qui elle en son temps avait eu 5 étoiles (2012).

Autre exemple la Mégane III : 5 étoiles, puis 3 puis 4 !

Test de 2008

Lors de son test en 2008 la Mégane obtenait ainsi 5 étoiles, mais aussi la note maximale 37 points sur 37, ce qui en fut la voiture la plus sûre testée par l’organisme depuis 1997. L’organisme à retesté en 2014 la Mégane, mais le test lui a fait perdre deux étoiles. Encore une fois la voiture protège toujours aussi bien en cas de choc, mais elle perd une étoile, car elle n’avait pas d’AEB.

Le message de ceinture une fois traduit, fait gagner 8% et une étoile à la Mégane

La Mégane n’avait plus qu’un an de carrière à faire avant que la Mégane 4 ne reprenne le flambeau. De plus intégrer un tel dispositif aurait été trop coûteux. En effet comme nous l’avons vu, ce genre d’aide électronique impose souvent une architecture électronique différente, ce qui aurait imposé de profondes modifications techniques, une réhomologation et le fait d’avoir donc deux références de boucliers, l’un avec radar pour l’AEB et l’autre non (donc deux fois plus de stockage et de coûts).

Enfin dernière étoile, le message avertissant le conducteur que les ceintures arrière sont bouclées n’a pas été traduit dans plusieurs langues. Renault corrigea par la suite ce dernier problème, la Mégane fut retestée par l’EuroNCAP et obtenait 4 étoiles.

Ainsi les étoiles ne veulent plus vraiment dire grand-chose hélas.

Même une voiture dotée que d’une seule étoile de nos jours protègera toujours mieux qu’un autre modèle testé au siècle dernier.

La preuve en image, entre-la ZOE dont le test de 2021 indique qu’elle n’a qu’une seule étoile et l’Alfa Romeo 147 testé en 2001, je sais déjà dans quelle voiture, je voudrais être en cas de choc. (^^)

Alfa 147 et ses 3 étoiles
La ZOE et son son soit disant 0 étoioles

Comme vu plus haut, l’absence d’étoiles ne signifie pas que le véhicule est dangereux pour autant.  

Autre fait, qui peut générer de la confusion, c’est qu’une même notation (étoile) peut en réalité cacher de plus grande différence de sécurité.

En effet, le Dacia Jogger et la Spring ont tous deux étés décernés que d’une étoile. Mais à regarder de plus près,  la notation (en pourcentage) diffère très sensiblement.

La Spring

Ainsi en protection des adultes le Jogger est gratifié de 70% contre 49% pour la Spring. La protection des enfants ? 56% pour la citadine électrique et 69% pour le break/monospace. Pour la protection des piétons/cycliste, le Jogger obtient 41% contre 39% pour la Spring, même ordre d’idée pour la notation des aides à la conduite (32% VS 39%). Mais alors pourquoi le Jogger n’obtient pas une étoile supplémentaire vu qu’il protège mieux que la Spring ?  Et bien, car pour le Jogger Dacia n’a pas mis d’alerte de bouclage de ceinture aux 6e et 7e places. Car ses deux sièges sont escamotables et le fait de les retirer et de les installer régulièrement endommagerait la connectique des sièges et créerait une panne et des coûts supplémentaires. Bien sûr  Dacia ne remet pas en cause la ceinture de sécurité qui à tout son rôle à jouer en cas d’accident, mais avoir une étoile en moins pour ce critère n’indique pas une moindre protection en cas de choc.

D’ailleurs le Jogger met en évidence un autre travers de l’organisme européen : le fait d’attribuer une note à une voiture… qui n’a jamais été testé ! Hé oui le Jogger n’a pas subi de crash-test ! En effet EuroNCAP s’est simplement basé sur le fait que le Jogger n’est plus ni moins qu’une Sandero allongé.

Dès lors quel crédit attribuer à un organisme qui se prétend être indépendant et rigoureux, mais qui attribue des notes sans avoir testé les véhicules en question ?

La Sandero III ou le Jogger, l’EuroNCAP ne fait pas la différence

Tout cela ne risque pas de s’améliorer, des nouveaux tests seront déployés à l’horizon 2026, se focalisant encore davantage sur la technologie plutôt que les chocs.

« Euro NCAP est fermement convaincu qu’il détient le potentiel d’améliorer encore la sécurité des véhicules au cours de la prochaine décennie en faveur d’une Vision Zéro qui s’efforce d’éliminer les décès et les blessés graves dans les accidents de la route. »

https://www.largus.fr/actualite-automobile/euro-ncap-un-nouveau-protocole-de-tests-sera-deploye-en-2026-30023120.html

Car ces exigences ne sont pas sans conséquence.

En effet installer toujours plus d’aides sur des véhicules et en particulier des véhicules entrée de gamme, augmente sensiblement le coût de la voiture et son poids (et donc sa consommation et ses émissions polluantes). Avec le risque qu’un client potentiel préfère acheter un modèle d’occasion dépourvue de ces ADAS tant choyés par l’organisme européen, ce qui aurait pour conséquence de faire stagner voir reculer la sécurité des voitures (le mieux est souvent l’ennemie du bien). N’est-ce pas là le contraire de la mission de base de l’EuroNCAP lors de sa création ?

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